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Perdre l'esprit du lieu : Les politiques de l'Unesco à Luang Prabang (RDP Lao) / David Berliner
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Luang Prabang est une ancienne ville royale du Laos qui figure sur la Liste du patrimoine mondial de l'humanité depuis 1995. Du fait de ses moines en tunique orange, ses temples bouddhistes et la mystique religieuse qu'elle respirerait, mais aussi de par la trame des architectures traditionnelles et coloniales qu'elle donne à voir, elle jouit d'une réputation internationale et attire un nombre grandissant de touristes. L'objectif de l'Unesco y est "de pérenniser l'authenticité et la valeur du site" par une série d'actions comme l'inventaire du patrimoine, la restauration des temples bouddhistes et des maisons coloniales, des régulations sur la restauration imposées aux habitants ou encore des cours de sculpture destinés aux moines. Ainsi listée, Luang Prabang est une ville où la préservation se fait désormais obligation morale et politique. Pourtant, un tel impératif à préserver et à transmettre ne semble pas correspondre aux préoccupations de la plupart des habitants du centre-ville qui aspirent à la modernité. On voit toutefois poindre l'éveil contraint et forcé d'une conscience patrimoniale, surtout orientée par les recettes du tourisme. A cet égard, l'exemple de Luang Prabang est fascinant en ce qu'il révèle les conflits d'interprétation qui existent entre les discours et les pratiques des experts en conservation et ceux des acteurs locaux. Tandis que les premiers voient la possibilité de sauver cette ville en la transformant en un écomusée avec son âme, les seconds, qui, certes, veulent se souvenir, ne désirent pas continuer à vivre dans des mondes révolus.
Voir le numéro de la revue «Terrain, 55, 01/09/2010»
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