Août 1934 : "16 mois de régime hitlérien"
Reportage signé par André Beucler dans la Revue l'Intransigeant et passé sur les ondes de Radio Côte d'Azur en 1934
Plongée dans l'Histoire la plus sombre du XXe siècle...
Ce document sonore, divisé en 6 disques, a été découvert dans un don récent. Nous vous invitons à écouter la seconde piste de ce document, correspondant à la face B du premier disque. Il s'agit d'une émision radiophonique passée sur Radio Côte d'Azur. Il date de 1934, l'année où Hitler accède aux pleins pouvoirs en Allemangne. Intitulé "16 mois de régime hitlerien", cette brève revue de presse consacrée aux publications du journal L'Intransigeant, évoque un reportage, au coeur de l'Histoire, signé par André Beucler.
André Beucler (Saint-Pétersbourg, 23 février 1898 - Nice, 26 février 1985), est un écrivain, journaliste, scénariste, cinéaste, producteur de radio, essayiste, traducteur, mais aussi historien, critique d'art et résistant français. "Dans le sud de la France, il créera avec son ex-épouse, une structure de contact et d’hébergement clandestins où transiteront des juifs recherchés, des francs-tireurs en liaison avec le colonel Jean Vautrin, des correspondants discrets et anonymes de Giraudoux et des maquisards, dont son propre frère, Serge, prisonnier de guerre évadé, membre de l’Armée Secrète. (...) A la Libération, Beucler sort de la clandestinité en "occupant" comme chef des informations, Radio Nice, avec ses "complices" Paul Gilson, Albert Rièra, René Lefebvre, Jean Effel, Francis Claude. (...) A Paris il travaillera pour la RTF où, avec le concours de la pianiste Francine Adam, il mariera opéra et chanson, Chabrier et Trenet, Armstrong et Debussy ; ce sera Modes et Travers de ce temps, d'élégants coups de gueule sur la dérive des valeurs ; Les Surprises de la rue ; mais surtout Le Bureau de Poésie, un véritable " service public " ouvert aux débutants, aux méconnus, aux refusés de l’édition écrite, pourvu qu’ils aient une once de talent. Il reçoit brusquement le courrier le plus volumineux de la radio, et ne peut parvenir à épuiser la passion de son public, auquel il prête les voix superbes de Maria Casarès, d’Emmanuelle Riva, de Catherine Sellers, de Michel Bouquet, de Bruno Cremer ou de Pierre Vaneck. Le Bureau de Poésie durera vingt ans !" (www.andrebeucler.com)
La sombre année 1934 est marquée par le plébiscite d'Adolf Hitler le 19 août 1934 ratifiant la loi du 1er août 1934 lui octroyant les fonction fusionnées de chancelier du Reich et de président du Reich, à compter de la mort du président Hindenburg. Le 19 août, avec 38,4 millions de voix pour un collège électoral de 45,6 millions d’électeurs, le plébiscite recueille 84,2 % des suffrages des électeurs inscrits et près de 90% des suffrages exprimés. Hitler obtient la confirmation officielle pour se faire appeler « Führer et chancelier du Reich »). Il cumule ainsi les pouvoirs associés aux deux fonctions. Avant cela, Hitler n'était « officieusement » que le Führer du parti nazi.
Ce document historique, nous plonge directement dans la realité du régime hitlérien. Il y est question de la position de l'église catholique face au nazisme. Dans ce reportage, Beucler montre le rejet clair de l'idéologie nazie par l'Eglise. Il évoque les stérilisations opérées par le régime afin de mettre en oeuvre l'abominable eugénisme prôné par cette idéologie. L'Allemagne est clairement désignée comme un état raciste. Ce témoignage, au regard de l'Histoire, rappelle que l'alerte avait été donnée très tôt sur les exactions des nazis. Diffusé sur les ondes, Il constitue aussi une preuve que ces informations étaient connues de tous.
Passé sur la même radio, la même année, il est très intéressant de confronter ce reportage avec le document ci-dessous.
La même année : Discours sur "La Paix" du président Doumergue
Voilà qui donne le ton du présent discours donné par Gaston Doumergue, alors chef d'un gourvernment d'union nationale. Dans ce document provenant de Radio Côte d'Azur, le président s'adresse, sans aucun doute possible, à l'Allemagne. Ce discours, qui se veut pacifiste, est extraordinairement lourd de sens.
« (La France) ne nourrit aucune ambition dont telle ou telle nation pourrait s’émouvoir »
Au fond, dans son discours, le président Doumergue, réaffirme une locution latine bien connue : "qui veut la paix prépare la guerre". Avec le recul de l'histoire, il constitue un avertissement à peine dissimulé adressé à l'Allemagne nazie.
« Ceux qui veulent vraiment la paix, ne sont pas ceux qui se contentent de bêler la paix »
L'aboutissement : la collaboration
Ce dernier document sonore, daté de 1940, est une pièce historique qui nous rappelle le début de la sombre période de la collaboration. Il s'agit d'un disque de propagande édité au profit du "Secours National", organisme à but humanitaire créé en 1914 pour soutenir les soldats et leurs familles. Réactivé en 1939, on attribue à l’organisme en 1940, par décret, le produit de la liquidation des biens des Français déchus de leur nationalité. Le décret du 4 octobre 1940, lendemain de la promulgation du premier statut des Juifs, place le Secours national sous l'autorité de Pétain. L’organisme, puissant instrument de propagande, prend une importance croissante au fil des années de la collaboration. Il a le monopole des appels publics à la générosité et bénéficie de subventions de l’État et des collectivités locales.
Ce document vient ici achever ce voyage sonore dans la plus sombre période du XXe siècle. L'ensemble de ces documents démontrent également un aspect moins connu de l'usage du disque et l'intérêt historique de leur conservation.
Frédéric Fuochi
Responsable de la conservation patrimoniale sonore
BMVR de Nice