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Livre
Enquête sur la mort de Lin Biao / Yao Ming-Le
Edité par Robert Laffont. Paris - 1983
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un superbe secret d'histoire
La mort de Lin Biao le 12 septembre 1971 est l’un des plus fascinants secrets d'histoire. Il avait été désigné comme successeur du président Mao en 1969 lors du 9ème congrès du PCC. Deux ans plus tard il tente de d’assassiner le grand Timonier dans un coup d’état. Après l’échec de sa tentative, il meurt quand l’avion dans lequel l s’était enfui vers l’Union soviétique s’écrase en Mongolie extérieure.Ce livre, publié en mai 1983, raconte cette histoire avec un grand luxe de détails. Simon Leys dans sa préface, félicite l’auteur- dont il ne sait rien, il l’avoue lui-même - sur sa description des cercles de pouvoir en Chine ; mais il ajoute aussi que cet auteur s’appuie essentiellement sur une source anonyme, donc invérifiable, les archives chinoises n’étant pas ouvertes aux historiens. « Ce récit présente une vérité sociologique irrécusable ; mais est-il historiquement véridique ? A tout le moins, il est vraisemblable – et l’on ne saurait en dire autant de la version officielle que Pékin a donnée de l’affaire Lin Biao. » La version officielle des autorités chinoises n’a été communiquée qu’en mars 1972 sous le titre « Preuves criminelles d’un coup d’état contre-révolutionnaire organisé par le clan antiparti de Lin Biao ». Ce rapport contenait des confessions écrites, le résultat d’enquêtes, des lettres et l’enregistrement de conversations téléphoniques. Il est férocement mis en doute dans ses conclusions par Simon Leys. Pas toujours pertinemment malheureusement. Le livre de Yao Ming-Le décrit méticuleusement les détails de la préparation du coup d’état. Plusieurs livres et articles ont été depuis publiés sur le sujet, chacun avec sa propre thèse. En 2021, un historien de Hongkong, Yu Ruxin, auteur de dizaines d’ouvrages sur la révolution culturelle, a publié un nouvel opuscule intitulé « Through the storm : The PLA in Cultural Revolution. » qui met notamment en doute la version donnée par les autorités mongoles sur les causes du crash mais contredit aussi celle de notre auteur. C’est un peu comme pour la mort de Kennedy : chacun peut y aller de sa thèse. Le doute reste toujours permis.Ce qui est passionnant dans cette histoire, c’est qu’on se croirait dans Shakespeare. La famille du maréchal Lin Biao se divise entre, d’un côté ceux qui le soutiennent comme son fils qui fut un artisan important du plan de coup d’état et sa femme promu au comité central par son mari, et de l’autre sa fille, Li Liheng, qui le trahit par amour pour son fiancé rallié à la faction Zhou Enlai. En fait beaucoup d’information ont été fournies par cette Li Liheng, devenue une taupe rendant compte des activités de son père au clan de Zhou Enlai resté fidèle à Mao. Née en 1948, elle est toujours vivante mais reste très discrète. Selon l’auteur, elle vit dans de conditions imposées par les organes de sécurité, « Bien que bénéficiant de conditions relativement privilégiées elle est malheureuse. » Nous n’en saurons pas plus et c’est bien dommage.Le principal reproche que je ferais à ce livre, c’est de ne pas mettre suffisamment en perspective ces faits avec un autre événement lui aussi considérable dans ses conséquences : le début du rapprochement de la Chine et des Etats-Unis avec la première visite en mars 1971 de Kissinger à Pékin. Tout porte à croire que Lin Biao, contredisant la nouvelle ligne, se refusait à considérer les Etats-Unis comme l’ennemi principal plutôt que l’Union soviétique. Simon Leys pense dans sa préface que Lin Biao n’avait pas de raison fondamentale de s’enfuir pour Irkoust, en Sibérie. Il va même jusqu’à suggérer que Lin Biao n’était pas dans l’avion. Je pense exactement le contraire et je n’y ai aucun mérite puisque je ne fais que me rallier aux faits publiés depuis qui entérinent que le destin de Lin Biao s’est bien arrêté en Mongolie.
Yvon - Le 13 août 2024 à 10:56